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Qui est le groupe paramilitaire russe « Wagner » qui opère en secret ?

Elle serait l’arme secrète de la Russie, le bras armé de Vladimir Poutine qui agirait dans l’ombre sur la scène internationale dans l’intérêt du Kremlin. La mystérieuse société russe Wagner est à nouveau au cœur de l’actualité et des critiques en raison de sa présence au Mali, alors que la France et ses partenaires viennent d’annoncer le retrait de leurs troupes. Qui se cache derrière ce groupe controversé et qualifié de violent que l’on retrouve dans de nombreux pays en conflit ou instables ? Quels sont leurs intérêts ? Et pourquoi dérangent-ils tant les Occidentaux ? 20 minutes vous explique tout.

Qu’est-ce que le groupe Wagner exactement ?

Wagner est le nom d’une société militaire russe privée qui recrute des mercenaires et opère dans différents pays du monde. Avant de poursuivre, précisons qu’aucune information sur cette société n’est officielle, « puisque la Russie ne reconnaît pas son existence et interdit ce genre de société », explique Roland Marchal,
chercheur au CNRS et enseignant à Science Po Paris. On sait cependant que le groupe a été fondé en 2014 au moment de la guerre du Donbass en Ukraine. par Dmitri Outkine, qui y aurait secrètement déployé des combattants.

Wagner est son nom de guerre choisi en hommage au compositeur allemand préféré d’Adolf Hitler, selon une enquête de Sky News. Atmosphère. Parmi les noms connus qui entourent cette entreprise, on retrouve également celui d’Evgueni Prigojine, présenté comme le principal financier de l’entreprise et également ancien cuisinier de Vladimir Poutine. Il est entre autres soupçonné d’être impliqué dans l’empoisonnement de l’opposant Alexeï Navalny.

Si le Kremlin a toujours nié tout lien avec la société, il existe une grande porosité entre Wagner et l’armée russe. «Wagner sélectionne des soldats parmi les meilleurs de l’armée russe. Des jeunes qui ont déjà une expérience du feu et qui viennent arrondir leurs fins de mois comme des mercenaires », explique Cyrille Bret, chercheur à l’Institut Jacques-Delors et professeur à Sciences Po Paris. Selon l’enquête Sky News réalisée en 2016, ils seraient payés 3 500 euros par mois et entraînés dans un village où se trouvaient également des forces spéciales de l’armée russe. « Wagner recrute également localement dans les pays où il opère. On peut ainsi trouver parmi eux des combattants algériens, syriens, libyens ou mozambicains », ajoute Roland Marchal.
Pourquoi le groupe Wagner est-il présent au Mali (et ailleurs) ?

Depuis sa création, la compagnie Wagner a déployé ses troupes dans divers pays. Depuis 2015, des mercenaires se battent ainsi en Syrie aux côtés des forces du président Bachar al-Assad. D’autres se trouvent en Libye, en République centrafricaine ou au Soudan. A chaque fois, la Russie nie la présence de ces mercenaires et parle en plus d' »instructeurs », de « volontaires » ou de « consultants » russes. « Ils interviennent dans des pays qui ont un intérêt pour la Russie, mais dans lesquels elle ne veut pas apparaître afin d’éviter toute critique ou sanction, analyse Cyrille Bret. Avec ces mercenaires, le Kremlin teste la tolérance de la région à une éventuelle intervention russe. Il capitalise sur les retours tactiques du terrain. Les objectifs de la Russie seraient également économiques et diplomatiques. Moscou a par exemple signé depuis 2017 de nombreux accords de coopération avec des pays africains.

Le 23 décembre, les quinze puissances occidentales impliquées dans la lutte antijihadiste au Mali ont dénoncé le déploiement de mercenaires de la société Wagner dans le pays. Paris a alors prévenu que cette arrivée serait « incompatible » avec le maintien des militaires français déployés. Ce jeudi, alors que le retrait des militaires français était officialisé, le président français Emmanuel Macron a accusé la société Wagner d’être au Mali pour servir « ses propres intérêts économiques » et sécuriser la junte militaire malienne au pouvoir à Bamako, citant la présence d’environ 800 mercenaires. Si le gouvernement malien s’est rapproché de Wagner c’est en partie parce qu’« avec la Russie à l’ONU, la junte militaire est protégée », ajoute Roland Marchal.
Quels risques représente la société Wagner ?

Si la société Wagner est un peu comme la main invisible du Kremlin, ce n’est pourtant pas le gouvernement russe qui finance les opérations. Le groupe est rémunéré par les régimes qui font appel à lui. « Ils se tournent vers cette société militaire pour défendre des intérêts privés et non le bien public », explique Cyrille Bret. Ceux-ci sont donc étroitement liés. « Les combattants de Wagner assurent le maintien des présidents au pouvoir en leur donnant les moyens d’asseoir leur autoritarisme », décrypte Roland Marchal, qui note les effets désastreux sur les derniers printemps démocratiques en République centrafricaine : « Des opposants disparaissent ou sont retrouvés morts sans aucun lien légal. conséquences, les gens ont maintenant peur de s’exprimer. »

La société russe y a aussi créé des milices locales qui « accentuent les tensions intercommunautaires et fragilisent la paix au niveau local », ajoute le chercheur du CNRS qui redoute le même scénario au Mali.

Enfin, le plus gros problème avec Wagner, c’est que puisque la société « n’existe pas », ce sont avant tout des lois. « Il n’y a pas de règles ou de cadre pour contrôler les pratiques des mercenaires. Et elles ne sont pas du genre à faire de la dentelle », précise Roland Marchal. Sans existence légale, pas de sanction possible, ni de collaboration avec des Occidentaux qui perdent le contrôle sur certains territoires. Déjà l’année dernière, Wagner était accusé d’avoir pris le contrôle d’un bataillon formé par la mission de l’Union européenne en République centrafricaine. Aujourd’hui, le retrait des troupes françaises et de ses partenaires européens au Mali en est un deuxième exemple.

Mohammed KOMAT

Publié le 22/02/2022

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